lundi 7 mai 2018

Vivant, de Roland Fuentès, analyse du roman

Et qu'est-ce qu'elle fait, la Muse, quand vous avez le dos tourné ? 
Et bien, elle fait des MOOC. 

Mais qu'est-ce que c'est donc ? Pour faire simple, c'est un cours en ligne, gratuit, pour lequel il y a des exercices à rendre (mais on peut juste regarder le cours sans faire les exercices, c'est comme on veut). 

Lors du MOOC sur la Littérature jeunesse, 2ème édition, j'ai eu à réaliser la fiche d'un roman. Mon choix l'année dernière s'était porté sur "Rage". Cette année, c'est "Vivant" de Roland Fuentès, dont je vous ai déjà parlé (clic), que j'ai souhaité analysé.



Voici l'analyse que j'ai rendue. Il y avait un nombre de mots à respecter. Mais comme je suis une Muse, j'ai poussé l'analyse (à la fin, vous verrez, pour les petits curieux).

Bonne lecture !!!

Ah, je ne vous ai pas dit ? Roland sera avec nous toute la journée aux Jardins Aquatiques le mardi 10 juillet, de 11 h à 18 h !!! J'espère que vous viendrez nombreux à sa rencontre.

La bise.

La Muse


La Muse, Vivante



Roman choisi par : Chris-Muse

                       La Muse en Parle

 

Données précises sur l’ouvrage :

Auteur : Roland Fuentès. Titre : « Vivant ». Année de 1èrepublication : 2018. 
Collection : Syros. 184 pages.

Résumé de l’intrigue 


Ce résumé portera sur l’ensemble de l’histoire, fin comprise.
Il se présentera sous la forme d’un texte continu de 150 à 200 mots

L’histoire commence par une course, celle de deux adolescents. L’un poursuit l’autre, un couteau en main, pour le tuer. C’est une course à la vie, à la mort. Mais, et s’il meurt, QUI va mourra réellement ? Au travers de cette course poursuite, l’auteur va nous faire découvrir un groupe d’adolescents, complètement soudés, partis pour réviser ensemble et faire du sport. A la tête de ce groupe, Mattéo, grand sportif, imbattable, qui s’entraine sans relâche. Elias, jeune manoeuvre, parfait sous tous les plans, va être invité. Le séjour qui devait s’annoncer parfait va alors virer au cauchemar et chaque ado va revivre ce qui s’est passé tout en essayant d’arrêter la folle et meurtrière chasse à l’homme. Le groupe en ressortira divisé. Le lecteur découvrira à la fin la vie d’Elias : un survivant, un migrant, qui a tout perdu mais qui est vivant. Au tout début du livre, le lecteur peut lire ce message : « Il n’y a pas d’étrangers sur cette terre », slogan de la Cimade.   
170 mots

Analyse du roman 

Ce livre dénonce, en respectant le paradoxe de Soriano, par flash-backs, le racisme latent, la haine, la force du groupe, le meurtre … le suicide, mais aussi la vie. 
Il est écrit en « Je », parfois en « On », sous forme polyphonique, permettant à tous les protagonistes de s’exprimer, sauf les deux coureurs, qui ne prendront jamais la parole directement. Cette technique renforce l’effet de prise à témoin des amis du groupe. 

De nombreux dialogues sont insérés, permettant un rapprochement avec le lecteur. 

Différents thèmes très difficiles sont abordés, avec multiplication des points de vue et chronologie destructurée. 

La structure du roman est d’initiation : Elias est de ceux qu’un « destin hors norme a rendu meilleur ». Sa famille a été décimée (séparation). Il arrivera en France, comme manœuvre (réclusion), il sauvera la vie de Mattéo (transformation), se souviendra (les ancêtres), on saura qui il est vraiment (changement de nom), s’installera avec ses nouveaux amis (fête de clôture).

C’est le groupe qui va raconter l’histoire.
Une grande complexité formelle est à la base de la construction de ce roman, ce qui permet une distanciation nécessaire au lecteur vis-à-vis des thèmes abordés.  

194 mots

Avis personnel 

Ce roman est magnifiquement construit. Roland Fuentès réalise un travail d’orfèvre, sublimer la vie, tout en décrivant magnifiquement la cité phocéenne. Le fait qu’un adolescent puisse basculer ainsi effraie. Et pourtant, l’actualité est remplie de coups de folies. Toujours un leader et ses suiveurs, l’esprit de groupe est bien marqué dans notre société, souvent individualiste. Le groupe peut détruire si on n’y prend garde. Mon regard d’adulte et d’ancienne maraudeuse au Samu Social me confirme également que l’être humain peut être bon. J’aimerais que l’Homme soit plus tourné vers son prochain, qu’il y ait plus d’Elias sur terre. 

98 mots


Je me permets de vous copier page suivante une analyse que j’ai réalisée, et plus poussée du livre Vivant. 
J’espère que vous l’apprécierez (il y a plus de 1000 mots).

(j’ai laissé les questions de nos professeurs)



· Quels sont les rapports du roman choisi avec les influences internationales et l’évolution du roman ? 

Ce livre dénonce, sous couvert de visions d’adolescents effectuées en flash-back, le racisme latent, la haine de l’autre, la force du groupe, Le meurtre … le suicide (« cette course n’est pas celle d’un meurtrier, mais de quelqu’un qui se suicide »), mais aussi, la vie. 

Il n’y a pas de concession dans le texte, ainsi, l’auteur parlera des bombes, des snipeurs, des bus incendiés, de la mort qui frappe, par le gaz, les balles ou les couteaux.
Pour autant, le paradoxe de Soriano est respecté, puisque les horreurs de la guerre et de la volonté de meurtre sont décrites, tout en respectant la jeunesse du lectorat.
  
· Le roman présente-t-il des caractéristiques spécifiques du roman adressé à la jeunesse, par exemple des choix d’écriture qui visent àassurer la compréhension du lecteur, ou àséduire ce même lecteur ? 

Le roman est écrit en « Je », mais sous forme polyphonique, ainsi, tous les protagonistes vont s’exprimer, noyant une position que le lecteur pourrait avoir trop tranchée. A certain moment, le roman sera en « On » : tout le monde s’exprime en même temps, en une pensée unique, une pensée de groupe.

Tout le monde ? Non, deux ne narreront pas l’histoire : ce sont les deux coureurs. Ce qui permet justement au lecteur d’avoir suffisamment de recul vis-à-vis de la violence exprimée (meurtre).
L’histoire sera racontée par leurs amis, en « Je » narrateur, en « On », lorsque le groupe revient sur la course folle des deux garçons, mais jamais, eux, ne parleront. 
Cette technique renforce l’effet de prise à témoin des amis du groupe. 

De nombreux dialogues sont insérés, ce qui permet un rapprochement avec le lecteur. 

Vers la fin du livre, comme dans une course, les chapitres seront de plus en plus courts. Le lecteur va retenir son souffle … pour savoir, enfin. 

A noter qu’un des jeunes va défier l’autorité, en mentant aux gendarmes pour protéger son ami, ce qu’aura par ailleurs déjà fait le jeune attaqué, en se débarrassant de l’arme qui aurait dû le tuer. Le clan se ressoudera, un temps, autour de ce mensonge. Le lecteur est ainsi également protégé, tout en ayant la possibilité de se rapprocher du groupe qui se soude autour d’une juste cause ; en effet, dire la vérité n’aurait rien apporté de plus. 

· Le roman aborde-t-il des thèmes tabous, et si oui, lesquels ? S’adapte-t-il au public lecteur (autocensure des auteurs, choix de la perspective juvénile...) ? 

Différents thèmes très difficiles sont abordés : l’envie de meurtre, le suicide, les migrants, les bombes, les snipers, les bus incendiés, les tueries d’innocents …
On parlera de la réalité qui « regorge de cadavres », des « stades réquisitionnés par l’armée », « des snipers », « des bus incendiés », du massacre d’innocents … 

Pour en parler, l’auteur multipliera les points de vue, via les amis des deux jeunes gens. Le suspense est renforcé via les divers avis, mais aussi par la chronologie destructurée, qui fait que les scènes relatives aux migrants ne sont décrites qu’à la fin de l’histoire, par deux personnes interposées, et non par celui qui a vécu les horreurs. 

Et pourtant, les jeunes vont changer : Elias, que tous pensaient parfait, et qui se révèle l’être, a une faille, et c’est pour cela qu’il sait. Il sait que Mattéo, qui veut le tuer, va mourir. Il lui dit ; et cela dès le début de la course : « tu vas mourir ». Et pourtant, c’est bien Mattéo qui le poursuit avec un Opinel dans l’intention de le tuer, lui. 
C’est pourtant Elias qui sauvera, par deux fois, Mattéo.

Elias ne doute pas. Il a trop vu de gens mourir. « Il ne veut pas de ce qui fait mourir ». 

Mattéo « a la rage ». Lui, l’être que personne ne peut battre, lui, le meneur, lui, qui s’entraîne et qui fait partie des meilleurs. Lui dont les parents sont racistes, mais qui l’est moins, grâce à ses rencontres internationales. Lui ne supporte pas, ne supporte plus l’être parfait. Celui qui le rattrape à la course pour savoir où sont rangés les pansements, qui est parfait, que les filles regardent, qui reste calme, qui ne fume pas, ne boit pas … lui qui va le battre au bras de fer, parce que Mattéo va le provoquer. 

· Présente-t-il une structure qui le rapproche du roman de formation ou 
d’initiation ? 

La structure du roman est un roman d’initiation : Elias est de ceux qu’un « destin hors norme a rendu meilleur ». Même si on ne l’apprend qu’à la fin, sa famille a été décimée (séparation). Il arrivera en France chez son oncle, travaillant pour lui comme manœuvre (réclusion), il sauvera la vie de Mattéo et celles des membres du groupe (transformation), se souviendra du passé (les ancêtres), on saura qui il est vraiment (ce qui peut s’interpréter comme un changement de nom), prendra une colocation avec ses nouveaux amis (fête de clôture).

· L’auteur recourt-il àdes procédés littéraires qui visent àprotéger son lecteur ? 

Comme je l’ai précisé plus haut, le « Je » narrateur est de mise. Même le « On ». Mais jamais les deux coureurs ne s’expriment directement auprès du lecteur. Ainsi, les paroles de celui qui veut tuer, dans un accès de folie et celui qui lui dit « tu vas mourir » (afin qu’il arrête) seront éloignées du lecteur.

C’est le groupe qui va raconter l’histoire :

Magnifier Elias pour certains « Rien n’existe comme cela sur terre », ou « cette force, qui diffusait comme un halo autour de lui, était indissociable d’une certaine idée de douceur et de paix ».  

Mattéo, lui, aura beaucoup de défauts : demandant si Elias est musulman car il ne boit pas, se remet à fumer, fulmine « on n’est plus chez nous » en passant dans une rue animée, fait preuve d’un racisme qui ira crescendo. Néanmoins, ses amis diront qu’en engageant le bras de fer, il « a signé son arrêt de mort ». Un peu comme si ce n’était pas lui le coupable.

Elias ne sera que douceur et vu, au départ, comme un « être venu d’un autre monde ». Son oncle, avant de fuir son pays, aura dit à son père qui ne voulait l’accompagner : « tu vas mourir » (sous-entendu, « si tu restes »). Et c’est ce qui s’est passé. Le père, mais aussi la mère et la sœur d’Elias sont morts, lors d’un bombardement. Lui en a réchappé, car à ce moment-là, il courait. Il comprend que « son corps sera le seul véhicule sûr pour fuir la guerre ». 

· Le roman présente-t-il une complexité formelle, comme la polyphonie, par 
exemple ? 

Une grande complexité formelle est à la base de la construction de ce roman, ce qui permet une distanciation nécessaire au lecteur vis-à-vis des thèmes abordés.

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